E x t i m e (journal)

vendredi 30 décembre 2016

Jamais ma main

" Elle a pris mon bras, jamais ma main. Trop infantile, indigne, j'en convenais aussi. Si j'avais cherché sa main, il y a longtemps, chez ses parents, c'était plus pour briser la glace que pour la beauté du geste. De même elle moquait les gens qui s'embrassaient sur les bancs publics. Le théâtre, la publicité des corps ne la bluffaient pas. Là encore, nous étions d'accord. Les corps étaient douteux pour se trahir eux-mêmes et mentir aux autres. "

Jean-marc Parisis, Les aimants

mercredi 14 décembre 2016

Jules Andrieu



Jules Andrieu , Tensions Physiques in-situ, 13 mars 2013, Aix-en-Provence

Essai photographique composé d'une série de "Tensions Physiques in-situ" travaillant le corps tel un segment réceptionné dans un lieu "à sa taille". La volonté d'inscrire spontanément le corps comme médium / outil permet de développer son potentiel ( résistances, adaptation au contexte, esthétique...)

Intervenir dans un lieu public sans cale ou "prothèse" est une contrainte que je tente de garder pour autonomiser le corps, contrairement au travail de Philippe Ramette, me distancer des One Minute Sculpture d'Erwin Wurm, du planking de Charles Ray, créer une différence avec le planking commun...
Créer l'éphémère par une tension émergée puis dissipée est une forme d'espace intermédiaire qui me permet d'interroger la rencontre entre 2 potentiels ( lieu et corps ). L'oeuvre m'apparaît comme une différence de potentiel, soit une circulation. 


Tensions Physiques In-situ à l'ENSAN, Février 2014, Photo : David FRESNEAU


L'architecture prise au mot... L'intégration du corps au coeur de l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Nancy pour sentir les mesures mises au point par l'architecte Livio Vacchini. Une brique béton est utilisée comme élément de concrétion, de cale afin que le corps s'autonomise dans la diagonale des couloirs de l'école au béton d'argent...





Tension physique in-situ : Tunnel, Dorsaux, 2 mai 2013. Athlète de 188cm et tunnel - Assistante : Isabelle MEUSER


Longtemps j'ai cherché par quel moyen je pouvais montrer et transporter mon art partout sans contrainte majeure...
J'ai découvert mon curriculum vitae transportable : mon corps est mon propre outil autoporté ! ( pensée du 3 mai 2013 ).

Enfin un tunnel à échelle humaine ! Par sa largeur réduite, j'ai pu créer des variantes à ce travail de segment : montrer les tensions du corps en accord avec les caractéristiques du contexte grâce aux parois adhérentes du tunnel. Nouvelle variante sur "la résistance du matériau".


mardi 13 décembre 2016

Cette part impartageable

" Des pans entiers de mon existence indifféraient complètement Ava. Elle me les laissaient comme je lui laissais ses jardins secrets. Dès le début de notre histoire, nous avions recensé nos différences, préempté nos espaces intimes, nos temps personnels. Nos égoïsmes se respectaient. Le réglage de nos solitudes s'opéraient dans une anarchie naturelle, heureuse, en marge des lois communes aux autres couples. Les soupçons, les jalousies ne passaient pas sur nous. Souvent quand on aime, on a beau étreindre l'autre, lui parler toujours, il vous manque encore. Donner sa peau ou ses mots ne change rien. En général, il n'y a pas d'amour heureux. L'amour est inquiet, mendiant, il devient vite un droit à tyranniser ..."

Jean-marc Parisis, Les aimants

Relier pour du sens

“Rien n’est dépourvu de sens, tout en ce monde est relié au reste.”

Paul Auster

L'espace qui lie

" Les corps chutaient plus par légèreté que par gravité. L'espace nous liait davantage."

Jean-marc Parisis, Les aimants

L'indépendance... malgré tout

jeudi 8 décembre 2016

Dulgan Meissl



Maisons invisibles, Dulgan Meissl Associated Architects

Chaque unité de 14,5m sur 3,5m est conçue à partir de panneaux de bois locaux et de structures préfabriquées. Vous pouvez associer plusieurs modules pour réaliser une habitation aux volumes plus généreux. Entièrement démontable, la maison invisible a un faible impact sur son environnement. Autre particularité, et non des moindres, le revêtement extérieur est fait de miroirs, faisant disparaître l’habitation dans son environnement (reste toujours la question des oiseaux avec ce type de revêtement, on espère que le revêtement est muni d’une couche réfléchissant les rayons UV, spécialement prévu pour la protection des oiseaux.).













lundi 5 décembre 2016

Livre d'architecte

" Rien n'assure qu'un livre d'architecte est fait pour être lu, rien n'assure qu'il a un auteur, rien n'assure que c'est un livre (...) les livres d'architecte ont ce destin là ..."

Christian Topalov

lundi 28 novembre 2016

Travail dans l'inachevé

par François Chaslin

" Deux visions s'affrontent l'une selon laquelle la ville moderne serait nécessairement centrifuge, appelée à 
se disperser dans les territoires sans borne de la mégalopole et qu'il y a là un phénomène à la fois fascinant et irrépressible. 
L'autre selon laquelle il importerait au contraire de rassembler, de reconquérir et densifier les territoires qui ont été déjà gaspillés, et de cesser de bâtir la ville hors de la ville.

Celle qui voudrait que la ville soit une succession d'entités, une collection d'oeuvres achevées,  d'atmosphères, de typologies à protéger parce que chacune témoignerait d'un âge particulier de la civilisation urbaine et reléverait d'une cohérence particulière. 
Et celle qui considère la ville comme un 
perpetuel inachèvement, le fruit de mécanismes de substitution, un continuum historique à certains égards vertigineux dont il faudrait faire I'archéologie et dont il conviendrait avant d'agir, de comprendre 
à chaque fois la généalogie. 

En arrière-plan, deux imaginaires. 
Celui de la forme pure, finie, idéale. 
Et celui de I'impureté, de l'informe
Deux topologies, celle de I'espacement de la dilatation et de la discontinuité. Et celle du contact,du collage, de l'imbrication voire de la confusion des espaces sédimentés
Deux visions de la démocratie et de la solidarité humaine. Enfin deux attitudes face à la création architecturale. Celle du geste singulier. Et celle du dialogue et de la négociation, du travail infiltré au sein des règlements et des contraintes, de la composition plurielle, voire de la banalité.
Cette seconde approche est celle qu'a  théorisé et tenté de pratiquer Antoine Grumbach depuis plus de vingt ans déjà qu'il parle de la mémoire et de la nécessité de "faire la ville sur la ville"
Cette démarche à caractère général et philosophique, plus vitaliste que conservatrice bien qu'elle ait mûri dans la période postmoderne, fut longtemps considerée comme historiciste.
Elle se confronte aujourd'hui aux nouveaux espaces des périphéries, à diverses échelles, II y a bien évidemment quelque chose d'intime et de personnel dans la démarche d'Antoine Grumbach, quelque chose qui est enfoui dans le tréfonds de son inconscient, et dont témoignent cette manière qu'il a de nouer les doigts, de mêler les mots jusqu'à I'essoufflement, d'aimer les toiles nattées de François Rouan, de plier et tresser physiquement ses architectures et surtout de vouloir faire de la ville un entrelacs d'espaces et de temporalités. D'une insondable complexité, d'une angoisse de l'inachèvement perpétuel, d'une obsession, il a su faire une doctrine qui a valeur générale . En cela, il est exemplaire, intellectuel sur la scène architecturale. Praticien autrefois hanté par l'archéologie et par les ruines (jusqu'à en construire de neuves), amoureux de villes travaillé par l'idée de dérive "psychogéographique", enseignant qui tenta de saisir, parfois de cartographier l'épaisseur spatiale et historique des sédimentations urbaines, il emploie les outils conceptuels de sa génération, principalement l'analyse structurale et la psychanalyse, disciplines troublantes qui, assez discrètement, guident sa quête de la mémoire humaine, de la trace. de la blessure peut-être, de l'impur et de l'hétérogène, du lien et de l'entre-deux. 
II y a là aussi quelque chose d'une métaphysique juive de l'espace, parcourue depuis l'origine des temps par l'idée du nomadisme, du passage, de la transformation, de l'inachèvement et de l'attente, et la peur de la dispersion. Avec au fond cette conscience de la particulière dureré des temps, quand la violence des transformations urbaines traumatise la ville et le legs des civilisations. Ce qui n'est pas neuf mais à un rythme plus grand que dans d'autres époques. a des échelles surtout beaucoup plus vastes. "


François Rouan 

" Superpositions, nouages des unes et des autres, images fixes et images en mouvement cherchent toujours le même tressement indénouable de la figure et du fond. " 
François Rouan

lundi 21 novembre 2016

Construction fragmentaire, compilatoire et évolutive

" C'est le livre qui construit l'auteur"

" Progressivement la mise en page se simplifie (...) mais il reste toujours une compilation de textes   et de fragments différents, c'est toute cette notion de l'oeuvre ouverte, de la forme ouverte qui était défendue dans l'architecture ..."


" s'occupe de compiler ces textes, demande des fragments de différents auteurs, (...)

ils retravaillent leurs propres documents, ils font des ajouts, (...)
l'auteur change, le document se transforme, exactement où le contexte change... "


Marilena Kourniati 
à propos de team X (ten) lors d'une "conversation" à la cité de l'architecture, 20 mars 2014 : voir vidéo ici

dimanche 13 novembre 2016

...38 > 39 > 40...

Le déclic (clic clic clic clic cl...i...c) pour "reprendre sa vie" est peut-être la prise de conscience du temps (qui passe).



samedi 12 novembre 2016

Instinctif

“ La science ne sert qu’à vérifier les découvertes de l’instinct.”

Jean Cocteau, Le Potomak

vendredi 11 novembre 2016

La part d'insaisissable

“On n’aime que ce qu’on ne possède pas tout entier.”

Marcel Proust, La prisonnière

mardi 1 novembre 2016

Aqua Tower









Aqua Tower - Chicago 2010
Architecte Jeanne Gang (Studio Gang)

Se rencontrer (soi)

" Pourquoi prend-on de l'âge ? Pas pour fuir dans le quotidien et fermer la porte mais pour se rencontrer à nouveau. Pour choisir de se rencontrer. Pour aller de son plein gré vers l'endroit choisi."

 Mitsuyo Kakuta , Celle de l'autre rive 

lundi 31 octobre 2016

jeudi 27 octobre 2016

Projeter et s'en contenter

" Les voyages ont longtemps constitué une aventure solitaire, malcommode et délicieuse. Avec le progrès foudroyant des transports, ils sont devenus une corvée collective et confortable. Ils tendent à se rapprocher de la définition de Céline : Un petit vertige pour couillons. Au point que le meilleur du voyage est désormais, d'un côté, dans le projet et, de l'autre, dans le souvenir. Entre les deux, une routine de masse. Et une nouvelle servitude volontaire. Peut-être faudra-t-il finir, selon le voeux de Baudelaire, par nous contenter du projet, sans plus chercher jamais à le réaliser ? Depuis toujours, le projet est aussi beau - et parfois plus beau encore - que la réalité. C'est vrai pour l'amour, c'est souvent vrai, hélas ! pour la littérature. Et c'est vrai pour les voyages. "

Jean d' Ormesson, Qu'ai-je donc fait 


mercredi 19 octobre 2016

Pas de sens à donner du sens

" Qu’avions-nous en commun ? Sans doute un rêve, celui de pouvoir naviguer en toute liberté et rencontrer des êtres et une nature rendant absurde la question du sens de la vie. "

Björn Larsson , La Sagesse de la mer : Du cap de la Colère au Bout du monde


samedi 15 octobre 2016

Routine libératrice

" Il suivait toujours la routine à la lettre, c'était source de grande liberté. Cela libérait d'autres pensées."

 Anne B. Ragde, La terre des mensonges 

Annihilation par l'amour

" L'amour, c'est se rencontrer, se dissoudre, disparaître."

Sylvain Tesson, S'abandonner à vivre 



lundi 3 octobre 2016


Photographies de L. septembre 2016 Camaret, Crozon, Finistère
Ruine du manoir de Saint-Pol Roux (poète 1861-1940)






« ceux qui comme lui s'offrent le magnifique plaisir de se faire oublier » 
André Breton, Clair de Terre dédicacé à Saint-Pol Roux








« L’effet de ces compositions, bonnes ou mauvaises, c’est de vous laisser dans une douce mélancolie. Nous attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. A l’instant, la solitude et le silence règnent autour de nous. Nous restons seuls de toute une génération qui n’est plus ; et voilà la première ligne de la poétique des ruines.» Diderot







dimanche 2 octobre 2016

mardi 27 septembre 2016

Simpl(u)i(e)ste

Il pleut dehors il pleut
Et c'est tant mieux
Car s'il pleuvait dedans 
Je ne s'rai pas content ..."

Henri Dès














à John ...

mercredi 14 septembre 2016

Répercussions à double sens

 Sur le livre par Jacques Roubaud (Parc sauvage)

" Les circonstances de la lecture font partie de la lecture : aussi bien le livre concret que son apparence, son format, son poids, sa typographie, que le volume d'espace réel au sein duquel nous l'avons lu : un train, un lit, une herbe. Le livre, l'œuvre, est cela pour nous. Il est tout autant que la lettre exacte de son texte, vérifiable en le rouvrant ( et pas toujours compatible avec notre souvenir ! ), ce que nous en avons retenu (les « circonstances » en font partie). Tout autant que l'immobilité stable de ses mots, dans ses pages, l'allure de nos yeux sur ses lignes, l'intensité variable de notre regard. Mais les livres que nous avons lus « colorent » en retour, d'une manière au moins aussi forte, les lieux et les circonstances dans lesquels nous les avons ouverts."

dimanche 11 septembre 2016

Toît d'eau






  Stelios Kois, architecte 
Ile de Tinos, 2013

Situé dans la partie nord des Cyclades, Tinos est la troisième plus grande île de l'archipel. Bien connu comme "l'île de Madonna", Tinos est le plus grand centre de pèlerinage en Grèce. Dans son paysage accidenté, les collines rocheuses pondent plus de 40 villages, comme des fragments de marbre d'une statue antique dispersés à travers les collines. L'île est célèbre pour son architecture préservée, ses villages pittoresques et de beaux paysages. Plus d'un millier d'églises se trouvent sur les pentes et collines, un millier de pigeonniers, tandis que des chefs-d'œuvre de l'architecture et des dizaines de moulins abandonnés locaux se trouvent dans ses ravins et les vallées. Le paysage est bordée par des milliers de kilomètres de murs en pierre sèche qui rendent le paysage visuel unique. La résidence est située sur abrupte pente rocheuse terrain orienté plein sud avec vue sur la mer Égée. Il est une structure à un seul niveau et a une surface de 198 mètres carrés. L'emplacement permet bénéficiant d'une vue magnifique et panoramique sur le paysage terrestre et marin. Notre objectif était d'intégrer le bâtiment dans le paysage comme il était partie. L'espace de vie est couvert par un pool de cerclées qui produit un effet visuel de l'eau s'étendant à l'horizon, de fuite et la fusion avec le paysage. De loin, surtout si vu de la trajectoire d'approche, sur un terrain plus élevé, la seule caractéristique visible de la maison est l'eau de la piscine. L'eau pendant la journée reflète les formations rocheuses environnantes et pendant la nuit l'étoile remplie ciel nocturne. La plupart des matériaux de construction visibles ont été trouvés dans les environs et ont été utilisés pour rendre la maison «disparaissent» dans le paysage. Les techniques locales ont également été empruntés comme la construction de mur sec caractéristique trouve en abondance dans l'île. Cette technique a été mise en œuvre avec des modifications mineures; sur les murs de remblai latéral de chaque côté du volume de la piscine. Les matériaux locaux ont un faible impact sur l'environnement tout en étant aussi très efficace en tant que matériaux d'isolation. Les parois arrière sont faites de terre retenue qui régule la température. La piscine, qui agit comme un toit assure une isolation et une protection contre le rayonnement solaire et de transmission de la chaleur. Nous voulions faire une maison fusionné avec son environnement, une oasis invisible caché aux yeux insoupçonnables. La maison est agit presque comme un point d'observation comme il se cramponne aux rochers et supervise le paysage en cascade spectaculaire.

Quelque chose noir

Au matin
Je suis habitant de la mort idiote la tête comme un porridge
Les oiseaux s'envolent à l'avoine noire de fumée (il est quatre heures, il est cinq heures)
Les arbres s'habillent de fond en comble
Dans mon bol des archipels de boue noire qui fondent
Je bois tiède
L'église, le sable, le vent irrésolu
J'avance d'une ligne, à deux doigts
Je voudrais nous coucher tête-bêche
Tes yeux sur ma bouche à la place de ce rien

Jacques Roubaud, Quelque chose noir

samedi 10 septembre 2016

bi, mono, mini ... et maintenant bur ou zéro ?

« Le monokini est un presque rien de tissu devenu symbole de la déchirure que la modernité a introduite dans nos mœurs. Les transformations vestimentaires qui, depuis le début du XXe siècle, ont permis de passer du corset au monokini, sont considérées comme les illustrations et des mises en scène d’une série de conquêtes juridiques et politiques des femmes – comme si nous pouvions mesurer le statut de ces dernières à la quantité de corps qu’elles ont le droit de montrer…

Le monokini a été inventé en 1964 par un modiste autrichien, Rudi Gernreich. Celui-ci baptisa son invention « monokini » comme s’il dérivait de son ancêtre immédiat, le bikini, suggérant implicitement qu’on franchissait le saut du « bi » au « mono » en passant par l’élimination du superflu. Le « bi » du bikini n’avait pourtant rien à voir avec l’idée de deux-pièces ; Bikini est le nom de cet archipel du Pacifique où les Américains ont procédé à des expériences nucléaires en 1946. Pensant que son invention aurait le même impact que l’explosion d’une bombe atomique, le modiste français Louis Réard choisit en effet ce nom pour son costume de bain sorti la même année. Le bikini ne provoqua pas de scandale juridique, car il respectait la loi, il était conforme aux règles qui édictaient ce qu’on pouvait montrer et ce que l’on devait cacher dans les lieux publics. Au contraire, le monokini ne faisait plus preuve de ce respect, mettant ainsi la mode hors la loi.

« Le monokini a été la dernière étape d'une lutte sociale : accepter que l'on puisse regarder des corps nus dans un espace public »

Certains maires, après avoir entendu parler de ce nouveau vêtement, ont décidé de l’interdire sur leurs plages. À la suite de ces polémiques estivales, le ministère de l’Intérieur a rédigé une circulaire suggérant à la justice de condamner ces femmes quasi dévêtues pour outrage public à la pudeur. Comme toutes les transformations historiques, le monokini eut ses sacrifiées : des héroïnes passées au tribunal pour avoir défié l’ordre existant, pour avoir montré leurs seins sur les plages. On ne se souvient certes pas de ces femmes comme de celles qui se sont battues pour le droit à la contraception, à l’avortement… Ce sont des héroïnes de l’ombre, des sortes d’Antigone, déchirées entre le respect de la loi et celui de la mode.

Le monokini a été la dernière étape d’une lutte sociale, commencée à la fin du XIXe siècle, pour libérer la nudité dans les espaces publics. Cette lutte a débuté à l’École des beaux-arts, s’est propagée dans les théâtres et les music-halls. Avec toujours la même revendication : accepter que l’on puisse regarder des corps nus dans un espace public.

L’organisation de la visibilité de la sexualité par l’État a connu, au XIXe siècle, des bouleversements profonds. La contrainte étatique de cacher la sexualité dans l’espace public date de la Révolution. Il existait certes avant quelques règles qui protégeaient la pudeur, mais rien de semblable au fait de séparer l’espace en deux mondes étanches l’un à l’autre au regard de la visibilité de la sexualité : le privé et le public. Selon la législation napoléonienne, on pouvait tout voir dans le monde privé, tandis que dans le monde public, toute manifestation de la sexualité devait être cachée. En dépit des idées que l’on se fait aujourd’hui de ce qui était cette organisation de la visibilité de la sexualité jusqu’au milieu du XIXe siècle, le monde privé était scrupuleusement protégé des contrôles étatiques, et la notion même de privé était plus large qu’aujourd’hui. L’ordre napoléonien veillait à ce que l’État soit exclu du contrôle de la sexualité pacifique.

Mais cet ordre a été mis en question à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Sous prétexte que le monde privé était un vivier de débauche, l’État chercha à s’immiscer dans la sexualité pacifique du monde privé, à s’introduire dans les maisons par tous les petits trous qui les séparaient du monde public : les fenêtres, les trous de serrure, les jupes que le vent soulève… Il y eut une véritable crispation autour de ces frontières, et certaines décisions sont amusantes. Ainsi, on condamna des partouzeurs pour outrage public à la pudeur parce qu’ils n’avaient pas bouché le trou de leur serrure et que des passants en y posant l’œil avaient pu voir leur débauche. Après avoir assailli l’espace privé par les interstices, les petits trous, les juges sont entrés dans les maisons. En 1877, un stupéfiant retournement de la jurisprudence se produisit : un lieu privé était considéré comme un lieu public à partir du moment où il était occupé par trois personnes et que l’une d’entre elles n’avait pas consenti à voir une scène sexuelle. La loi ne territorialisait plus seulement l’intérieur et l’extérieur, mais les intérieurs eux-mêmes : il fallait donc fermer les portes des chambres à clé.

« Si les femmes se sont libérées en se déshabillant, pourquoi ne sont-elles pas passées auzérokini ? »

Comment la société civile a-t-elle réagi ? Si l’État rentre désormais dans nos maisons, nous nous montrerons nus dehors. Il y eut donc une explosion de la nudité dans les espaces publics. Ce mouvement s’est notamment appuyé sur la séparation de la nudité et de la sexualité : on soutenait que l’une n’impliquait pas l’autre. Il fallait dé-sexualiser la nudité pour qu’elle puisse être tolérée dans l’espace public : la rendre chaste. C’est le courant de pensée dont le monokini a hérité. Montrer ses seins n’est pas forcément un comportement sexuel.

La révolution des mœurs n’a pas finalement libéré la visibilité de la sexualité. Il y a encore un partage de ce que l’on peut montrer et cacher selon que les lieux dans lesquels on se trouve sont ouverts ou fermés au public. Le fait de se montrer dans une attitude sexuelle nécessite un consentement comme s’il s’agissait d’une étreinte, d’un contact des corps. Dès qu’un comportement sexuel est exhibé, on considère que ceux qui regardent peuvent être agressés comme s’ils ne pouvaient pas détourner le regard.

Dans ce processus limité et bancal de libération de la visibilité de la sexualité dans les lieux publics, le monokoni est fort paradigmatique. Si les femmes se sont libérées en se déshabillant, pourquoi ont-elles conservé leur slip et ne sont-elles pas passées au zérokini ? Le zérokini aurait couronné ce processus de libération des corps… il aurait été aussi le début de la libération de l’exhibition de la sexualité dans les lieux publics sans que personne n’ait le droit de se sentir agressé. On ne pose jamais cette question, justement parce qu’on ne prend pas le monokini au sérieux, le pensant toujours comme une victoire contre le bikini. Il est conçu comme un moins d’autre chose et non pas comme une chose en soi. Pour prendre le monokini au sérieux, il faut s’intéresser à ce qu’il cache et non à ce qu’il montre. C’est la condition d’une philo-sophie politique de ce petit habit. »

Marcela Iacub, Demain on enlève le bas ? été 2010
 article source ici

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« - Le monokini a choqué la pudeur de certains. Que pensez-vous de cette expression « attentat à la pudeur » ?
La pudeur est en fait un sentiment très légitime. Elle consiste pour quelqu’un à refuser d’exposer publiquement une partie de lui qu’il estime lui appartenir en propre, à l’instar de son corps tel qu’il se montre dans la nudité. Or l’expression « attentat à la pudeur » constitue un renversement de ce mécanisme. Elle ne désigne pas celui qui ne veut pas être vu dans sa nudité, mais représente celui qui s’expose nu au regard d’autrui et qui choque ce regard. Mais qu’est-ce que ça signifie, se sentir agressé par la nudité de quelqu’un d’autre ? Cette nudité ne nous touche pas, elle n’atteint que nos yeux… Celui qui s’expose nu ne nous intime pas forcément de nous déshabiller à notre tour. Il me semble que les gens qui réagissent mal aux images de nus, ceux qui demandent la censure de telles images, ont justement l’impression d’être déshabillés par elles. Le censeur est celui qui se sent mis à nu. Ce qu’il ne supporte pas, c’est qu’on lui montre ses propres désirs et fantasmes.

- Du corset au monokini, a-t-on accompli une libération érotique ?
Au contraire ! Le corset est un objet d’érotisation du corps, car il met la poitrine en valeur. D’ailleurs aujourd’hui une mode de lingerie féminine réhabilite le corset ou ce qui y ressemble. Le monokini, lui, n’érotise pas la poitrine, il la laisse tomber, pendre. Le monokini, c’est la nudité chaste, car dés-érotisée.

- Que pensez-vous de la nudité telle qu’elle est exposée aujourd’hui ?
Il y a quelque chose qui me choque profondément dans les films X actuels, c’est que le pubis des femmes y est toujours rasé. Le français a cette expression « être à poil » pour parler de la nudité… Or ces femmes ne sont plus à poil quand elles sont nues, car elles n’ont plus de poils ! À mon sens, ces pubis rasés sont comme le monokini, ils représentent une forme de cache-sexe visant à dés-animaliser les organes sexuels. Raser son pubis, c’est une façon de le rhabiller, de lui ôter son animalité. Le poil rasé, c’est une autre forme de la nudité chaste.»

Catherine Millet, Le monokini, c'est la nudité chaste.

jeudi 25 août 2016

Ne pas taper !

Photographie de L.
Paimpol, 25 aout 2016

Rykiel et Butor ... départs

création de
Sonia Rykiel (1930-2016)


"Toute tête est un entrepôt, où dorment des statues de dieux et de démons de toute taille et de tout âge, dont l' inventaire n' est jamais dressé."    

Passage de Milan, Michel Butor (1926-21016)


mercredi 24 août 2016

Interstice habité
















La Maison Keret de l'architecte polonais Jakub Szczęsny, se trouve à Varsovie, en Pologne. Cette maison est la plus étroite au monde, de 90 cm à 150 cm pour sa partie la plus large.
En vertu du droit polonais cette maison ne peut être habitée, car elle est trop étroite. Pourtant, elle accueille tous les besoins fondamentaux, il s’agit donc d’une «installation artistique».

dimanche 21 août 2016

Les lundis matin


François BeaurainLes lundis matin

" Cela fait plusieurs années que je ne travaille plus dans un bureau et que je peux me lever aussi tard que je le veux (et pas uniquement les lundis matin). Des fois au fond de mon lit je pense à tous ceux qui doivent se lever tôt pour aller au travail. Ce projet est dédié à tous les employés de bureau, cadres stressés, personnes au milieu de la crise de la quarantaine (ou qui vont bientôt la faire). J'espère que vous aurez la chance de découvrir ce projet le matin entassé dans le métro (de préférence un jour de pluie ou de grève (ou les deux à la fois)) et qu'il vous apportera un peu de réconfort. En vous souhaitant une semaine de travail intense et productive. "