E x t i m e (journal)

dimanche 25 janvier 2015

Joseph Beuys (2)

 I like America and America likes Me
 New York 1974

 ou Beuys et le coyotte




















Joseph Beuys (1)
Joseph Beuys (3)

Joseph Beuys (1)







Beuys, sculpteur de la conscience humaine par Sandra Vuaillat

 Joseph Beuys est un artiste qui a insufflé à son œuvre une vocation thérapeutique visant à guérir l'humanité. Sa démarche ressemble à une psychanalyse sociale. Il considère que l'homme est sous l'influence de causes provenant du passé, c'est-à-dire de l'histoire de l'humanité. Ces causes sont inconscientes, et en travaillant à ce niveau, il souhaite contribuer à les rendre conscientes afin de libérer l'homme. Dans son œuvre, à la fois symbolique et autobiographique, Beuys s'inspire directement des épisodes de sa vie. Il invente une œuvre d'art total incluant sa vie, son travail et sa place d'homme dans la société, car pour lui, l'art c'est la vie. L'acte, l'art en action, est plus important que l'œuvre d'art. Il était plus soucieux de stimuler les idées que de les représenter, ceci afin de participer à l'amélioration de la société.
"Les conditions de la vie doivent changer — la régénération ne vient que du champ élargi de l’art."
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est enrôlé comme pilote dans l'armée de l'air allemande. Son avion s'écrase en Crimée. Recueilli par des nomades Tartares qui lui donnent du miel en guise de nourriture, il revient à la vie, recouvert de graisse et enroulé dans des couvertures de feutre. Cette expérience marquera son œuvre : on retrouve chez Beuys l'utilisation de feutre gris, parfois marqué d'une croix rouge, symbole de la souffrance. Également l'utilisation de la graisse, du miel, parfois du sang ou encore du soufre.
Puis entre 1955 et 1957, il traverse une grave dépression. Il est recueilli chez des amis et il travaille dans les champs. C’est une deuxième guérison pour Beuys. Mais contrairement à la première, c’est d’abord une guérison interne, une autorégénération. C’est en ce sens qu’il faut rapprocher cet épisode d’une expérience chamanique. En effet, Beuys traverse cet épisode de sa vie à la manière d'un chamane qui, passé par la « maladie initiatique », se purifie et guérit par lui-même. C'est une période où il réalise de nombreux dessins et met en place les bases de sa pensée qu'il développera plus tard à travers son art.
En lien avec ces deux expériences de guérison, Beuys donnera à ses actions une dimension symbolique chamanique. Il avait d'ailleurs entrepris des études de médecine avant la guerre. Il aspire au changement et il compte l’exprimer dans son art, mais surtout il entend à ce que son art participe au changement de la société. Il y a une pensée chamanique dans ce changement, qui est aussi, pour Beuys, ce qu'il nomme une « régénération ».
Il s’intéresse aux animaux possédant une signification spirituelle, par exemple le lièvre, lié à la renaissance et à l'intuition, le cerf, symbole de la résurrection, ou encore l'abeille.
"Car il faut dire avant tout que les animaux sont les représentants d'une force vitale qui a été totalement écrasée par le principe technologique : ce sont eux les victimes de notre soi-disante civilisation. Rien que pour cette raison ils ont leur place dans mes dessins comme porteurs de la vie dans toute sa richesse. Ou alors : comme un organe de l'homme, comme un organe directement relié à l'homme."
Beuys parle de retrouver une « conscience de l'essence », c'est-à-dire renouer avec les forces évolutives. Reconnaître que nous avons séparé essence et apparence et s'intéresser au suprasensible. En ce sens, il cite à plusieurs reprises l'homéopathie, où le matériel disparait pour laisser la place à l'essence et où la dynamisation renvoie à un principe de mouvement dans l'évolution. Ainsi il affirme que ce qui guérit ne doit pas être cherché dans ce qui est advenu, mais dans ce qui n'est pas encore. En ce sens, il a réalisé une sculpture intitulée Auschwitz où est inscrite la formule « Similia similibus curantur ». Cette formule « les semblables soignent les semblables » est celle élaborée par Hahnemann, le fondateur de l'homéopathie. Il a réalisé cette œuvre dans l'intention que les restes de cette inhumanité soient surmontés. Sa démarche spirituelle a fait qu'à plusieurs reprises il a été en lien avec le Dalaï-Lama.
Sa pensée chamanique est très bien représentée par l'action intitulée I like America and America likes Me. Cette action se déroule dans une galerie à New York en 1974. Un espace de la galerie délimité par une grille sert de refuge, pendant trois jours, à Joseph Beuys et à un coyote capturé pour l’occasion dans le désert du Texas. Ayant décidé de ne pas poser les pieds aux États-Unis avant la fin de la guerre du Vietnam, il désire ne rencontrer de ce pays que le coyote, animal sacré, dieu des Indiens, représentant selon lui, « le point névralgique psychologique du système entier des énergies américaines : le trauma du conflit de l’Américain avec l’Indien. »  Beuys essaie ainsi de réconcilier l’esprit des Blancs et celui des Indiens d’Amérique. Il parle même de réconciliation karmique du continent nord-américain. C’est donc en sorcier, par des rituels précis, que Beuys entre en contact avec l’animal. Il porte son habituel chapeau de feutre et se recouvre d’étoffes, elles aussi en feutre, que le coyote s’amuse à déchirer. Chaque jour, des exemplaires du Wall Street Journal, sur lesquels le coyote urine, sont livrés dans la cage. Filmés et observés par les visiteurs derrière un grillage, l’homme et l’animal partageront ensemble le feutre, la paille et le territoire de la galerie avant que l’artiste ne reparte comme il était venu, sans poser les pieds sur le sol américain, le corps roulé dans une couverture de feutre, transporté dans une ambulance, en urgence, vers l’aéroport Kennedy. Voir Joseph Beuys (2)


Comment expliquer les tableaux à un lièvre mort est une autre de ses actions. Beuys porte un lièvre mort sur son épaule dont la tête est recouverte de miel et de feuilles d'or. Il s'adresse à lui par des sons, des bruits, du silence. Il dit au sujet de cette action : « avec le miel sur la tête je fais naturellement quelque chose qui a à voir avec la pensée. La capacité humaine n'est pas de sécréter du miel, mais de penser et d'émettre des idées. C'est ainsi que le caractère mortifère de la pensée se revivifie. Car le miel est sans aucun doute une substance vivante. La pensée humaine peut, elle aussi être vivante, mais elle peut également présenter un danger mortel par intellectualisation ou rester morte, ou s'exprimer de façon mortuaire, comme en politique ou en pédagogie par exemple. » Le lièvre représente un organe de Beuys lui-même. Il symbolise quelque chose de mort et d'extérieur à soi pouvant être revivifié et réintégré. La forme vivante est soumise à un processus de vie et de mort renvoyant à l'évolution en général et à l'homme en particulier. L'utilisation de sons et de bruits illustre son refus d'expliquer les tableaux aux gens. La notion de langage dans sa pratique est centrale. Pour lui la pensée puis le langage sont les points de départ de sa conception de la plastique. Beuys parle de la pensée libre comme d'un processus sculptural c'est à dire réalisé par l'homme et non inculqué par une quelconque autorité, car pour lui la mise en forme commence au niveau de la pensée puis de la parole. En ce sens, l'homme répète le principe de l'évolution depuis l'origine. « L'homme devient lui-même le créateur du monde et découvre comment il peut poursuivre la création. »
Beuys propose donc une conception élargie de l'art. Pour lui, l'art est une sorte de science de la liberté. Aussi sa définition de l'art repose avant tout sur une conception anthropologique. Il parle de la nécessité interne d'élaborer le monde à partir de l'art, c'est-à-dire l'art élargi à tous les domaines, et non plus seulement comme pratique réservée à quelques initiés. D'où son affirmation controversée « chaque homme est un artiste », qui n'a aucun rapport avec le fait que chacun puisse peindre ou sculpter. Non ceci fait plutôt référence à l'idée que chacun devrait être capable d'utiliser ses forces de création qui parfois sont à l'état latent. Beuys parle de la « puissance de mise en forme » que chacun doit connaitre et développer afin d'aboutir à un état d'autodétermination.
Ce n'est que par la prise de conscience de la nécessité de « percevoir des choses qu'on ne perçoit pas normalement » et par l'entrainement que chacun peut parvenir à ce but. C’est donc un art politique au sens philosophique du terme, parce qu’il participe aux débats et à l’élaboration de la société.
" Le concept d'art doit remplacer le concept dégénéré de capital. L'art est le capital vraiment concret et il faut en prendre conscience. Il n'est pas vrai que l'argent, le capital puissent être une valeur économique, le capital c'est la dignité humaine et la créativité."
L'idée que chaque homme puisse être un artiste fait ressortir une des caractéristiques essentielles de l'homme, c'est-à-dire le fait qu'il incarne la liberté et qu'il la transmette comme impulsion pour l'évolution du monde.
Dans la notion de créateur, Beuys attache souvent la notion de plastique, c'est à dire comment nous formons et façonnons le monde dans lequel nous vivons. En faisant quelque chose de nouveau avec lui, l'homme doit ensuite le partager avec les autres et écouter en retour ce que ceux-ci produisent de leur côté. Ce processus implique des forces invisibles, des phénomènes d'énergie et de chaleur, et aboutit à ce que Beuys nommait la « sculpture sociale ». Dans une vision utopiste, il élargit la notion de travail sculptural jusqu'à ce que l'unique objet soit la société humaine. Son travail doit donc être compris dans un esprit transcendantal : la sculpture de Beuys propose au monde occidental malade du matérialisme une nouvelle forme de vie sociale. Tout comme on peut voir dans l'homme des forces évolutives, en procédant par analogie, on peut appréhender l'organisation sociale non pas de manière matérielle et mécanique, mais bien de manière organique.
L’enseignement et l’éducation sont chez Beuys le fondement de la société, dans la droite pensée de Steiner, fondateur de l'anthroposophie, qui a beaucoup influencé la pensée de Beuys.
Puisque l’art est le traitement thérapeutique aux maux de la société, il doit être enseigné à tous, non pas pour que tout le monde devienne artiste, au sens classique du terme, mais pour que chacun applique à son quotidien le concept de l’art élargi. Beuys était antihiérarchique, il se proclamait lui-même étudiant et exposait en égal avec ses étudiants. On peut comprendre que tenant cette position radicale, Beuys s'est heurté à l'administration de l'université. En effet il s'opposait au système de sélection et considérait que chacun devait se voir laisser une chance d’apprendre et que le temps suffirait pour décider de la suite. C'était donc une véritable action politique, car pour lui, la défaillance des institutions publiques était un échec du système politique. Pendant plusieurs années, il s'est battu pour changer le mode de fonctionnement de l'académie, mais malgré ses efforts et un soutien populaire et mondain important, il fut renvoyé de l’Académie de Düsseldorf. Une image célèbre le montre sortant des locaux encadré de policiers, marchant souriant, avec cette phrase : « Demokratie ist lustig » (la démocratie, c’est amusant). Plus tard, en 1974, il fondera à Düsseldorf une « Université internationale libre pour la créativité et la recherche interdisciplinaire ».
En 1972, il participe à la Documenta 5 de Cassel. La Documenta est une exposition d'art moderne et contemporain qui a lieu tous les cinq ans, et qui dure 100 jours. Pour cette édition, Beuys a ouvert durant 100 jours un bureau d’information sur un parti qu'il a fondé, l’Organisation pour une Démocratie Directe à travers le Référendum. Il invitait les visiteurs à débattre sur la démocratie, l’écologie, l’économie, le droit des femmes, etc. En arrière-plan du bureau, on pouvait lire sur un tableau :
" Nous projetons, en Rhénanie-Westphalie, une campagne populaire pour mettre par référendum en application un important article de loi. Notre proposition : droits égaux pour l’homme et la femme! Vingt années de gouvernement des partis n’ont pas assuré le droit fondamental de reconnaissance du travail ménager comme profession. Cette activité doit se voir décerner un statut égal aux autres occupations et être rémunérée par un salaire pour les ménagères. Salaire pour les ménagères!!! Liberté absolue pour les femmes! "
En menant cette action, Beuys abolit les frontières entre art et politique. Il a également participé à la création du parti vert allemand, les Grüne.
Dix ans plus tard, en 1982, il participe à la Documenta 7 et réalise le projet 7000 chênes qui consistait à inviter les gens avec lui à planter sept mille chênes sur le territoire planétaire.
Entre 1973 et 1985, il a séjourné à de nombreuses reprises à Bolognano, petit village de montagne dans le sud des Abruzzes, en Italie. Un couple d'amis mécènes y possédant un domaine, Beuys y a entrepris différents projets à long terme, à caractère à la fois artistique, politique ou écologique. Parmi eux, la fameuse action « Difesa della Natura », en français, « Défense de la Nature ». L'artiste commence alors la plantation de sept mille arbres et arbustes menacés de disparition sur un terrain de quinze hectares, qu'il nomme « Piantagione Paradise ». Cet acte, tourné vers l'avenir invite à la participation de personnes intéressées par l'ensemble des problématiques qui préoccupent Beuys. « Difesa della Natura » n'implique pas seulement des conditions écologiques, elle veut au contraire être lue selon un point de vue anthropologique : protection de l'être humain, de la créativité et des valeurs humaines.
Beuys était à sa manière un révolutionnaire et il a apporté autant à la réflexion sur l’enseignement, sur l’écologie, sur la démocratie ou encore la sociologie, que sur l’art. Pourtant, il n’est cité que dans un cadre restreint de l’art, c’est-à-dire l’histoire de l’art, loin de son concept de champ élargi de l’art.
Beuys, c'est la rencontre du chamane, qui par la guérison libère les forces créatrices, et du passeur donnant l'impulsion, ouvrant la voie vers l'avenir, vers la transformation. Sa vision de la société fait qu'il croit profondément au pouvoir de l'éducation et de la guérison comme moteurs de transformation pour la société. En affirmant que chaque être humain est un artiste, il propose un chemin afin que chacun puisse accéder à cette forme de conscience et ainsi participe pleinement à l'élaboration d'une société nouvelle.
(…) les révolutionnaires et les révolutions n'ont pas réussi à produire autre chose que cette mort et ces effusions de sang. Ainsi, c'est comme s'il n’y avait jamais eu de révolutionnaire en ce monde. Ainsi, jamais encore au monde n'a eu lieu cet acte de transformation qui liera la vie à la vie et cette vie-ci à une autre. Car c'est la seule chose que l'on puisse définir par transformation de ce qu'a reçu l'homme : la vie! Nous n'avons pas besoin d'entrer dans la vie : nous vivons déjà dans un être vivant, pris en nous-même en tant « qu'être vivant ».

vendredi 23 janvier 2015

Du cul militant ...

" les mecs de droite je les nique, mais je les nique vraiment, c'est pas une métaphore." Bahia






"Qu'est-ce-que tu préfères ? On fait l'amour d'abord ou on fait les courses après ?"

" Tu crois quil me reste des pâtes ? On fait l'amour d'abord ou on fait à manger ? "




Le nom des gens, film de Michel Leclerc, 2009.

lundi 19 janvier 2015

1000 pots rouges

« À l’école d’horticulture, on m’a appris à soigner les fleurs, mais pas à les empêcher de mourir. Je décidais d’éviter de nouvelles victimes en remplissant les pots de fleurs avec du ciment.» Jean-Pierre Raynaud





1000 pots bétonnés peints pour une serre ancienne
Jean-Pierre Raynaud 
1986 – Serre, pots et béton peints , Domaine de Kergéhennec
Coll. Fonds régional d’art contemporain de Bretagne



Jean-Pierre Raynaud a choisi la serre, lieu de confrontation entre la matière vivante et la matière inerte. Les pots de fleurs utilisés sont empruntés au réel mais détournés de leur fonction première ; l’artiste les a remplis de béton, rompant avec les représentations d’une nature idéalisée. La couleur rouge renforce cet effet de contraste. L’installation de Jean-Pierre Raynaud questionne et interpelle sur la mort inévitable de tout être vivant. Dans cette serre, rien ne pousse, rien ne vit… Mais rien ne meurt non plus.


mardi 13 janvier 2015

Se regarder en (la) face

" Je regardais ce visage dans le miroir, je regardais ce visage déjà vieux et pourtant mien, et c'est un état qu'il est des plus étranges de devoir associer à soi-même la vieillesse, ou du moins - car je n'étais pas encore vraiment vieux, j'allais avoir quarante ans dans quelques mois -  la fin incontestable des caractéristiques de la jeunesse lisible sur les traits de son propre visage. "

J-P.Toussaint, Faire l'Amour.



René Magritte , Le miroir magique

dimanche 4 janvier 2015

Les mots qu'il faut

Sur la phénoménologie
Voici un extrait du roman d’Agota Kristof, Le grand cahier, qui ne pourrait mieux illustrer ce qu’est une approche « phénoménologique ».
Le roman raconte l’histoire de deux frères jumeaux, laissés par leur mère chez leur méchante grand-mère. Ils vivent dans un univers à eux seuls, qu’ils écrivent ensemble dans « Le grand cahier ». Voici comment ils décrivent leurs exercices de composition. Il ne saurait y avoir de plus simple définition d’une approche phénoménologique.

Voici comment se passe une leçon de composition :
Nous sommes assis à la table de la cuisine avec nos feuilles quadrillées, nos crayons, et le Grand Cahier. Nous sommes seuls.
L’un de nous dit :
— Le titre de ta composition est : « L’arrivée chez Grand-Mère ».
L’autre dit :
— Le titre de ta composition est : « Nos travaux ».
Nous nous mettons à écrire. Nous avons deux heures pour traiter le sujet et deux feuilles de papier à notre disposition.
Au bout de deux heures nous échangeons nos feuilles, chacun de nous corrige les fautes d’orthographe de l’autre à l’aide du dictionnaire et, en bas de la page, écrit : « Bien », ou « Pas bien ». Si c’est « Pas bien », nous jetons la composition dans le feu et nous essayons de traiter le même sujet à la leçon suivante. Si c’est « Bien », nous pouvons recopier la composition dans le Grand Cahier.
Pour décider si c’est « Bien » ou « Pas bien », nous avons une règle très simple : la composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons.
Par exemple, il est interdit d’écrire : « Grand-Mère ressemble à une sorcière » ; mais il est permis d’écrire : « Les gens appellent Grand-Mère la Sorcière. »
Il est interdit d’écrire : « La Petite Ville est belle », car la Petite Ville peut être belle pour nous et laide pour quelqu’un d’autre.
De même, si nous écrivons : « L’ordonnance est gentil », cela n’est pas une vérité, parce que l’ordonnance est peut-être capable de méchancetés que nous ignorons. Nous écrirons donc simplement : « L’ordonnance nous donne des couvertures. »
Nous écrirons : « Nous mangeons beaucoup de noix », et non pas : « Nous aimons les noix », car le mot « aimer » n’est pas un mot sûr, il manque de précision et d’objectivité. « Aimer les noix » et « aimer notre Mère », cela ne peut pas vouloir dire la même chose. La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un sentiment.
Les mots qui définissent les sentiments sont très vagues ; il vaut mieux éviter leur emploi et s’en tenir à la description des objets, des êtres humains et de soi-même, c'est-à-dire à la description fidèle des faits.
(Agota Kristof, Le grand cahier. Paris : Seuil / Points, 1986, p. 32-33)


Article trouvé dans le site dirigé par Danielle Boutet  : recitsdartistes

Sa-pin mari-time past-time

4 years ago...



Photographie  de L. 
Hiver 2011
Oeuvre d'(un) inconnu(s) rencontrée sur une plage costarmoricaine.